Bonjour,
Après une accalmie des grands projets, due à la fois au contexte économique (restrictions des budgets des collectivités, incertitudes économiques), certains chantiers majeurs sur Bordeaux touchent à leur fin: pont Chaban Delmas (ouvert en mars 2013), gros œuvre de la LGV Sud Europe-Atlantique (restent 3 ans de travaux ferroviaires et d’essais), Stade de Bordeaux Lac (ouvre en 2015, toiture posée), d’autres s’accélèrent comme la Cité des Civilisations du Vin. A Mériadeck, quartier moderne réalisé selon un plan en croix, sur dalle, suite à la destruction complète d’un quartier historique, typique et populaire d’échoppes avec sa place à la brocante emblématique, trois gros chantiers sont en finition.
Tout d’abord, la Cub (qui deviendra Bordeaux Métropole en 2015), a terminé sa 2e tour rue Jean Fleuret, sur la dernière parcelle vide disponible du projet initial de quartier (l’autre ayant été occupée par l’extension du Conseil Général de Gironde). En même temps la tour historique de Jean Willerval a été entièrement rénovée et restructurée, restent des finitions en cours sur la salle du conseil qui sera parée d’un mur végétal.
A l’ouest, le nouveau commissariat et les bâtiments sont plus récentes (hôtel de Police, Hôtel de Région notamment), sur la tranche Sud, Cours du Maréchal Juin, traversé par le tram A, excepté le Ponant sur dalle, les immeubles sont situés à hauteur de rue, dont la tour Cub bis et l’immeuble à l’intégration discutable de logements marron le Square Pey Berland.
La Frange Nord du quartier est assez sinistre rue Georges Bonnac et mériterait une rénovation, nombre d’immeubles sont abimés et mériteraient un ravalement de façade comme les Jardins de Gambetta (seule la Poste Centrale et le square sur le parking Gambetta ont été refaits). Surtout l’idée de créer un front bâti et bas sur les parkings en rez-de-chaussée casserait la rupture entre rue ancienne et basse le quartier haut.
L’esplanade et la mise en mode piéton du haut de la rue Georges Bonnac ont commencé à changer cette image, mais le travail doit se prolonger plus en amont.
La restructuration du quartier sur lui-même a aussi démarré sur la limite est du quartier. En effet, les Passages (ilot Bonnac) terminés avec leurs abords, la ville de Bordeaux a saisi l’occasion de la vente de la majorité de la Croix du Mail, immeuble sur dalle isolé de l’Esplanade Charles de Gaulle par le tunnel du tram A, mal agencé et sans grand cachet architectural (par rapport aux tours Allianz voisines par exemple), pour réaliser une opération majeure. A savoir regrouper 850 de ses agents et les Centre Communal d’Action Sociale, dispersés partout dans des immeubles en ville, au sein d’un immense vaisseau amiral, la Cité Municipale.
Au départ, une étude des architectes Flint (basés à Mériadeck) avait suggéré des idées intéressantes, hélas abandonnées pour certaines comme la suppression du tunnel rue du Château d’Eau, pour mettre le jardin en valeur notamment. Leur étude a justifié la destruction par ailleurs spectaculaire de la Croix du Mail en 2012, à la grue grignoteuse.
L’alignement vu du ciel des immeubles en croix a donc été rompu, mais en même temps, la Croix du mail (l’immeuble avait à peine 20 ans), était hors de l’esplanade Charles de Gaulle. La fontaine seul vestige de l’ancien quartier se trouvait sur le square André Lhote, à 500 m à peine de son site initial (localisé sous le tunnel actuel). Elle a été de nouveau démontée, le square était assez agréable mais peu mis en valeur et a été rasé, suscitant de vives critiques. La fontaine devrait reprendre place 200 m plus loin face au musée des Beaux Arts dont le parking sera transformé en place arborée. Ci-dessous, le site avant travaux en 2011.
Le chantier de la Cité Municipale mené en PPP par le Groupe Bouygues (architectes Paul Andreu et Thomas Richez) démarré en avril 2012 a été mené de manière très rapide en deux huit en général, hors démolition il a démarré surtout vers l’été 2012. L’immeuble de 21000m² est gigantesque.
Lors du concours, les 12 projets ont été contraints par un PLU strict, et étaient tous assez proches, des blocs conséquents de 8 étages face à la mairie historique, le magnifique Palais Rohan et les deux magnifiques hôtels particuliers juste en face. Cependant, nous pouvons regretter une erreur fondamentale dès le départ du projet, si Bordeaux autorisait des tours, élancées, légères en verre, cela aurait permis de maintenir le square et de mieux travailler la transition ville de pierre et Mériadeck moderne.
Or ici la bâtiment d’environ 200m de long constitue une immense barrière en coupant définitivement l’axe historique en biais des Intendants (photo du haut), le Cours Anatole France (rue Nancel Pénard), sans compter qu’il isole les escaliers vers l’Esplanade Charles de Gaulle encore plus de la ville basse (photo de droite). Le site meriadeck.free.fr, résume bien le plan des rues historiques non respecté avec le quartier moderne de Mériadeck des années 1960-80. Face au Palais Rohan et à la belle rue Montbazon, sa masse fait aussi écran et masque la continuité des rues anciennes. Seul le projet de AIR architectes respectait ce tracé de biais.
Cependant, Paul Andreu et Thomas Richez ont tenté de concilier dans un cadre (trop?) restrictif, l’équilibre entre quartier bas ancien de pierre, et les ilots modernes. Ainsi la Cité Municipale est composée de 2 blocs, l’un en pierre de taille de Bordeaux, un étage de transition avec une magnifique terrasse (espace de restauration).
L’autre moitié est un volume haut en retrait et suspendu dans un porte-à-faux spectaculaire, ce qui permet de préserver l’unité du bâti bas du Palais Rohan et du Musée des Beaux Arts, tout en assurant la transition en partie haute avec les immeubles de 8/9 étages de Mériadeck le moderne (sur-élevés avec les parkings et la dalle en RDC). Sur la maquette du projet, les architectes envisageaient une partie haute biseautée en Corian, un matériau blanc (comme l’hôtel Sekoo des quais) avec les équipements masqués, et aussi une partie basse en pierre de couleur sombre et un RDC/étage de transition en verre.
A notre grand regret, en raison de coûts trop élevés ou de la demande des bâtiments de France, les revêtements des façades sont à nos yeux ratés? En effet, la pierre choisie en bas est trop claire et contraste trop avec les bâtiments anciens en face, pourtant face à cet immeuble, les « Passages » ont bien une pierre de taille plus jaune comme la ville ancienne et s’intègrent bien mieux. Les couleurs des rendus se retrouvent seulement sous un grand soleil, mais pas comme prévu.
Sur la partie haute, les équipements (climatisation ou panneaux solaires)? ressortent maladroitement du toit et de manière inesthétique, loin des rendus, le pavé du haut est carré, avec un verre sérigraphié gris, absolument pas transparent (contrairement à celui de la Poste Centrale ou d’immeubles récents à New York, ce qui aurait rendu bien mieux). Des arrêtes de verre translucide réussies ont été posées, mais l’effet ne fonctionne que de biais, nous ne comprenons pas comment l’UNESCO a pu laisser passer cela. Enfin le pire est dans la partie du RDC et l’étage intermédiaire, en effet, au lieu de verre translucide, probablement pour des raisons de coûts, nous avons un revêtement en plastique noir très disgracieux, low-cost, ce qui casse du coup l’idée de départ d’un bâtiment suspendu.
Sur les rendus, le contraste est flagrant avec la réalité sur les finitions, la structure globale étant assez fidèle à la réalité.
D’ici la fin du chantier, avec le parvis rue Bonnier (réduite de moitié) terminé et arboré, cela sera un peu mieux. L’intérieur du bâtiment est par contre assez réussi, aux couleurs Bordeaux de la ville, les services centralisés sont très commodes, la terrasse du R+5 que nous avions visitée est magnifique (bien que petite), les bureaux blanc et leurs immenses couloirs un peu froids.
Pour résumer, un projet intéressant, mais qui montre la difficulté de reconnecter le quartier Mériadeck à la ville, surtout avec un PLU pas toujours cohérent. Par exemple réaliser ce projet sur le site du rectorat remanié, ou en le fragmentant en plusieurs immeubles moins grands (comme le siège social de C-Discount sur les quais), plus respectueux de l’architecture environnante aurait été mieux, mais aussi probablement hors de prix. Prochain chantier envisagé sur Mériadeck, la Croix du Palais (même architecte que la Croix du Mail, à la forme très similaire) devrait être relookée et agrandie.
