Les projets fous jamais réalisés

A l’approche des fêtes de Noël, voici quelques images étonnantes de projets utopiques, ou intéressants jamais réalisés ou inachevés, en voyant ces images, on comprend mieux certains aberrations qui génèrent parfois des embouteillages monstrueux en raison de routes par exemple inachevées.

Commençons par la place Ludovise prévue vers 1784, cette place devait remplacer le château Trompeyte (qui au passage avait été édifié par Louis XIV après la démolition des Pilliers de Tutelle, magnifique temple romain situé au niveau du Grand Théâtre actuel et qui explique son architecture, ainsi qu’un quartier de magnifiques villas romaines vers 1666, en représailles d’une révolte) . Finalement après divers projets, la place des Quinconces et le quartier du triangle d’or a été réalisé par la suite.

Parmi les idées du XIXe siècle, de nombreuses artères majeures ont été percées pour faire pénétrer la lumière, faciliter la circulation. L’opportunité des remparts démolis a défini en grande partie le tracé de la ceinture des Cours de la ville centre. Léo Drouyn historien a réalisé nombre de gravures et dessins montrant la démolition des remparts Cours Alsace Lorraine, le dégagement des Eglises et Cathédrales, ce qui a aussi accéléré la disparition de la ville médiévale. Beaucoup de portes actuelles (Dijeaux, Bourgogne, d’Aquitaine…) se situent à l’emplacement des anciennes portes médiévales massives dont subsistent la Grosse Cloche et la porte Cailhau.

Le Cours Pasteur a été percé à la fin du XIXe siècle, mais d’autres Cours sont restés inachevés, comme les rues de Tauzia et St Vincent de Paul, des rues plus modestes aussi autour de la gare (Impasse d’Agen) n’ont pas été terminées. Le tracé le plus étonnant était une « Grande Voie », qui partant de la gare st Jean prolongerait la rue de Tauzia, via st Michel, pour ensuite repartir du pont de Pierre (supprimant au passage la Porte de Bourgogne), éventrant ainsi les places du Palais, Camille Jullian, st Pierre jusqu’au grand théâtre. L’architecte Cyprien A. Duprat dans « Bordeaux un jour » avait aussi proposé de prolonger la rue de Ferbos et d’élargir la place de la Victoire à la place de la partie dégradée du bas de la rue Ste Catherine, et surtout un projet étonnant de « Grand Rond » englobant la Cathédrale Pey Berland, Mériadeck (en construisant un grand jardin d’Albret à la française face à la Mairie devant une gare centrale de métro monumentale), la place Gambetta (en déplçant la Porte Dijeaux!) et l’hôpital St André reconstruit.

Ce qui est fascinant en regardant ses plans d’ensemble est de retrouver une partie des projets réalisés par la suite: la rocade au lieu de « grands boulevards extérieurs », le quartier du Lac qu’il appelle « bois de Latule », Mériadeck avec son esplanade Charles de Gaulle et ses jardins suspendus sur dalle (qu’il situait Cours de l’Intendance), le tracé de certains ponts… Ce qui est regrettable est la non-réalisation de certains projets comme l’axe intermédiaire entre la rue Judaïque (étroite) et la rue Fondaudège qui aurait facilité la création d’un TCSP rapide en direct, on encore son axe routier direct du pont de Pierre vers la Victoire qui aurait désenclavé des quartiers enclavés, insalubres et en manque de lumière aujourd’hui derrière st Michel et Victor Hugo.

Par la suite Bordeaux a connu diverses évolutions, les principales ambitions réduites et avortées concernent le quartier du Lac et Mériadeck. Pour le Lac, c’est avec étonnement qu’en regardant le plan de Xavier Arsène Henry des années 1960 qui a imaginé le projet de voir les difficultés qu’ont connu ses idées. Il y a diverses raisons, mais les principales sont le choc pétrolier des années 1970 et de grandes erreurs stratégiques: par exemple, la réalisation de logements (Les Aubiers et le Lauzin) loin du lac alors qu’un panorama intéressant était à exploiter, et trop loin du centre ville et mal desservis. Mais nous pouvons constater que l’évolution récente du Lac se rapproche du projet initial: Berges du Lac/Ginko, raccordement au centre ville par le tram C, Grand Stade presque à l’emplacement prévu en 1960!

 

Mériadeck a connu un destin particulier qui peut expliquer nombre de difficultés actuelles. Le quartier a connu au moins 5 projets d’aménagement dès la fin des années 1960. Le premier plan de J. Royer assez proche du Grand Parc finalement envisageait un ensemble de barres autour d’un jardin central (non sur-élevé). Seul l’immeuble Rue du Château d’eau fut réalisé car les programmes de logements ne trouvaient pas preneurs. J. Willerval a ensuite intégré le projet pour lui donner des grandes orientations du projet final: quartier sur dalle, immeubles en forme de croix, quartier administratif et d’affaires. Notons que le quartier a permis de créer une pénétrante directe vers la place Pey Berland, le Cours du Maréchal Juin, en élargissant la rue d’Ornano, puis la rue des Frères Bonnie après avoir rasé nombre d’immeubles et de maisons anciens. En parallèle la rue Georges Bonnac a été créé en partie en élargissant la rue d’Arès, mais seule sa portion centrale a 4 voies, le reste étant inachevé, ce qui génère des bouchons près de l’école St Bruno qui pourraient être évités en élargissant sa portion à une voie…

Mais surtout, au départ une rocade intérieure à 4 voies d’abord avec échangeurs puis ensuite configurée comme les boulevards était sur les plans d’urbanisme de 1965 entre la rue François de Sourdis et la rue Nicot vers la rue du Tondu puis le pont st Jean (rue de Saget), de l’autre côté elle élargissait la rue Chauffour. Bien que le tracé de cette rocade soit assez fou, il est regrettable que la rue de Chauffour n’ait pas été élargie, et qu’une connexion plus large n’ait été créée (en élargissant par exemple la rue de Belfort ou le cours Aristide Briand par exemple)… Cela aurait facilité les trajets ou la création de transports en site propre, car les quartiers traversés n’ont pas un intérêt architectural majeur et la circulation est difficile dans des axes surdimensionnés (rue Bonnac, pont st Jean) en cul-de sac, ou surchargés (rue Chauffour, Cours de la Marne et de l’Yser). Enfin pour Mériadeck l’ilot Bonnac était bien prévu et la dalle devait rejoindre la place Gambetta.

Mais le plus grand nombre de projets avortés, en plus du plan guide néo-classique de Rocardo Boffil pour la Bastide dans les années 1990, concernent nombre de ponts, certains dans une phase avancée de projet comme le pont suspendu aux Quinconces arrêté par la guerre, le pont Transbordeur, construit partiellement mais démoli par les Allemands en 1942 ou encore le sublime pont à haubans tournant de Calatrava (faute de moyens)…

Pour l’avenir, espérons que les grands projets structurants se feront, au moins en partie. Vu le contexte économique actuel difficile, la radicalisation des opposants et le label UNESCO qui préserve à la fois le patrimoine (il est vrai que les quartiers anciens ont leur charme et que la grande voie par exemple les aurait défigurés)  mais bloque parfois de manière excessive tout projet structurant qui pourrait régler nombre de problèmes (passerelle piétonne centrale aux Quinconces, percement de places pour remplacer les ilots insalubres du centre ancien, ou encore démolition de quelques maisons sans intérêt patrimonial pour supprimer un « cul-de-sac »…). D’où notre recommandation de phaser un projet et de le rendre évolutif pour éviter le phénomène Lac ou Mériadeck, et reconnecter les grands projets à la ville ancienne.

 

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