Quel réseau de transports en commun pour Bordeaux?

Bonjour,

Peu de projets nouveaux étant dévoilés, c’est l’occasion de revenir sur le réseau de transports en commun de Bordeaux (agglo), qu’en est-il?

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Dans un premier temps, l’histoire se répète et il est intéressant de regarder en arrière. Historiquement Bordeaux a connu des trams à chevaux puis électriques apparus autour du XIXe siècle, déjà alimentés sans fil apparent (il y avait une sorte de gouttière sous la chaussée). La ville centre était alors très densément peuplée et surtout bien moins étendue extra-boulevards. Cependant il existait une vingtaine de lignes de tram, un réseau étant créé en centre-ville et ses extensions en périphérie dans un deuxième temps. Les barrières de Bordeaux étaient du coup très vivantes (cinémas, cafés,…) par le passé. Seules quelques unes aujourd’hui dont la barrière du Médoc sont toujours actives. N’oublions pas que pour traverser les boulevards vers la ville centre, il fallait payer l’octroi, disparu en 1928. La rive droite était industrielle ; Lormont, Cenon et Floirac des villages composés de domaines avec châteaux, des vignes et des parcs ; et que Bègles était l’une des plus grandes villes de la banlieue.

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Après guerre, l’automobile s’étant développée de manière très rapide, les trams devenaient encombrants et peu fiables et le jeune maire d’alors Jacques Chaban Delmas supprima le tram (le dernier a circulé en 1958 lors d’une fête mémorable) au profit des autobus. Cependant dans les années 60 à 80, la circulation s’est densifiée et les transports en commun dégradés, malgré la construction de pénétrantes (certaines restant inachevées comme le débouché du pont st Jean rive gauche qui devait gagner la bibliothèque de Mériadeck en rasant une partie du quartier derrière le Cours de la Marne ou la rue Bonnac qui devait gagner jusqu’à la barrière d’Arès en 4 voies…).

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Pendant près de 15 ans le maire décida alors de lancer un projet de métro souterrain de type VAL (réalisé par Matra) sur le modèle Lillois. En effet, pour aller vers le Campus (délocalisé en périphérie), les étudiants connurent les « méga bus » peu confortables et très longs, et le réseau n’était pas structuré, sans parler des quais et des cours qui étaient plus des autoroutes urbaines.

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Le projet de métro était une bonne idée et aurait évité peut-être la saturation des transports actuels, mais il y avait deux problèmes majeurs: le sous-sol de Bordeaux étant marécageux, il était techniquement complexe (mais possible) de construire un réseau. Surtout le problème était le budget trop important par rapport au peu de personnes desservies. Deux versions du projet ont été proposées en 1986 puis en 1991.  Par contre le tracé des lignes était très cohérent et ressemble étonnamment aux lignes de tram actuelles.

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Une première ligne partait de Bordeaux lac vers la Gare st Jean avec une autre branche (changement aux Quinconces) vers l’hôpital Pellegrin, une autre ligne partait de la gare vers le campus universitaire, une troisième des Quinconces, sous la Garonne vers la rive droite à Lormont et une 4e ligne de la gare st Jean vers Mérignac. Dans le plan de 1991, avec un budget plus restreint: il y avait une ligne de Ravezies à la gare st Jean (ligne C actuelle), une ligne de l’hôpital Pellegrin vers l’avenue Thiers mais centrée sur les Quinconces, et la dernière partant de la gare st Jean vers le campus. Nous voyons dans ce dernier projet les tracés de la ligne C presque identique et des lignes A et B légèrement différents. Ce qui est intéressant est surtout la première version du plan qui était très pertinente en centralisant le réseau sur les Quinconces et la gare st Jean. Finalement après des années de débats et d’études très poussées réalisés, le projet a été abandonné par le nouveau maire en 1995 au profit du tramway moderne d’Alstom (Citadis).

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Le nouveau projet se réalise très vite pour ne pas répéter les attentes et les frustrations liées au métro. Entre-temps la technologie a beaucoup évoluée et surtout un choc culturel est amorcé au début des années 2000: à savoir la priorité accordée aux piétons en centre-ville, les voitures étant repoussées en périphérie. Surtout, la réussite du projet a été, pour un budget moindre de réaliser trois lignes de tram en parallèle, tout en rénovant à grande échelle le centre-ville et en requalifiant les quais, le port en déclin étant transféré vers Bassens. S’ensuivent plusieurs années de chantiers chaotiques en centre-ville, avec la suppression de la circulation automobile sur certains grands axes centraux (Cours de l’Intendance,…), la création d’immenses parkings (près de 1000 places sous la Place de la Bourse et le Cours du Chapeau Rouge).

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Bordeaux a innové avec le système APS (Alimentation par le Sol), avec des difficultés au départ, pour préserver la beauté des quartiers du centre historique. Un programme de rénovation majeur a aussi permis de ravaler les façades anciennes aussi et de requalifier l’ensemble des voiries avec la charte de Wilmotte (assez esthétique malgré quelques erreurs comme pour la rue Sainte Chatherine qui est une patinoire par temps de pluie).

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Inaugurée le 21 décembre 2003, la ligne A raccorde Mériadeck à la rive droite et ses quartiers populaires (avec une fourche vers Lormont et Cenon). Cette ligne a eu le mérite de désenclaver ces cités et de permettre une spectaculaire rénovation urbaine (inachevée avec la crise économique mais qui a durablement changé ces quartiers).

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Certains choix de tracés sont critiqués comme à Mériadeck, où le tram A passe sous un tunnel assez sinistre, fait un crochet qui a permis de désenclaver et changer l’image de Mériadeck, mais ce détour rallonge le trajet ensuite. Une idée très astucieuse de l’agence Flint consistait à supprimer le tunnel pour connecter le parc Charles de Gaulle à la ville ancienne, mais cette idée est hélas survenue plusieurs années après. Cependant le passage à Mériadeck dessert le centre commercial avec ses 12 millions de visiteurs annuels et les 10000 employés des collectivités qui y travaillent.

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Le passage du tram A sur le pont de Pierre est assez emblématique mais le fait qu’elle prenne le Cours Alsace-Lorraine (un temps le tracé a été envisagé Cours Victor Hugo, abandonné notamment pour la fragilité du sol Porte de Bourgogne) créée des embouteillages sur le pont en cas de panne vu qu’elle croise la ligne C.

En 2005 la ligne A a été prolongée vers l’hôpital Pellegrin. C’est la partie suivante de son tracé qui n’est pas optimale, alors qu’elle aurait pu gagner le campus, tandis qu’une autre ligne serait allé en direct de Gambetta à l’Aéroport : un tracé étudié partait par la rue Judaïque, la rue de la République, l’Avenue de la Marne et l’Aéroport, hormis une portion étroite au début, ces rues étaient à 3 voies et donc adaptées au tram avec peu de virages. Le tracé retenu en phase 2 sur la ligne A fait un immense détour via l’avenue Mitterrand vers Arlac (secteur peu peuplé) et repart ensuite vers Mérignac Centre-ville au lieu de desservir l’aéroport. En rive droite, la ligne A a été prolongée vers Bassens et le Haut Foirac dans ses branches en phase 2, ce qui a permis de desservir nombre de quartiers coupés de la ville.

La ligne B a raccordé les Quinconces au Campus, mais par la place de la Victoire. Cela permis de faciliter la desserte pour les étudiants, bien que certains axes étroits traversés par le tram aient décliné (Cours de l’Argonne), et surtout la rénovation du Cours de la Marne a echoué et le quartier s’est paupérisé. Surtout la ligne est complètement saturée et impose de passer par la place Pey Berland sans relier le campus à la gare qui est à une distance plus proche.

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La ligne B a été prolongée en phase 2 en 2007 sur les quais vers Bacalan et les Bassins à Flots (photos des quais remaniés ci-dessous) et a connu des soucis sur le nouveau pont tournant des écluses, réparé en 2012, à son opposé elle a rejoint Pessac centre pour se connecter au TER vers Arcachon.

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La ligne C est la plus pertinente, était au départ un peu courte entre les Quinconces et la Gare st Jean (sans alimentation par le sol), en phase 2, elle a ensuite désenclavé le quartier des Aubiers et permis de traverser la ville du nord au sud (et en phase 3 elle dessert la Berge du Lac depuis 2014, la prolongation vers le Stade et le parc des expositions ouvrant en 2015).

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Le tram a connu une phase 3 a été la plus critiquée car il manque des dessertes circulaires et sur le campus. Ainsi la ligne B connait une nouvelle branche en voie unique de Bougnard à Pessac Alouette alors que le tronçon commun est saturé. L’autre extrémité de la ligne B va dans le parc de Bordeaux Nord sous le pont d’Aquitaine, là aussi en voie unique.

La ligne A va vers Magudas et dessert les cités au nord de Mérignac, mais là aussi, son angle à 90° après la station 4 Chemins alors que le trajet en bus est plus direct de Mérignac centre génère une importante perte d’efficacité. Surtout arrêter la ligne avant la rocade (pont coûteux pour desservir l’entrée du Haillan) aurait pu être desservi par des navettes bus.

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La ligne C est actuellement en prolongation vers Bègles puis Villenave d’Ornon en partie via la route de Toulouse. A son autre extrémité, elle va gagner le Lac et son parc des expos et le nouveau stade, quartier devenu un pôle d’affaires majeur de la ville. Un décrochage de cette ligne C appelé Tram Train du Médoc va desservir depuis les Allées de Boutaut (secteur Cracovie), Bruges puis Blanquefort. Le TER existant a été supprimé alors qu’augmenter les cadences aurait été faisable. Cette ligne prendra son sens lorsque les axes de ceinture seront réalisés et convertis en tram, mais elle aurait pu se réaliser en phase 4 ou 5 plutôt.

Le principal souci dans l’ordre de réalisation du réseau de trams dans Bordeaux est que l’ensemble du quadrant Nord-Ouest de Bordeaux n’est pas desservi à ce jour. Pour y remédier, une ligne D partira des Quinconces via la rue Fondaudège, la Barrière du Médoc, le Bouscat, et bifurquera près de la sortie 7 de la rocade vers Eysines pour se terminer à Cantinolles (avec une petite partie en voie unique). Il aurait en réalité fallu la lancer dès les phases 1 ou 2, pour finaliser le réseau de centre-ville avant de l’étendre en périphérie, exception faite de la ligne A en raison de l’urgence sociale des villes de la rive droite. A ce jour les travaux de déviation des bus doivent démarrer sous peu, et la ligne ouvrir en 2017. le point noir sera le carrefour aux Boulevards Barrière du Médoc qui pose problème, même si cette ligne est indispensable.

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En parallèle ont été lancés un réseau de vélos en libre services (V-Cub), de navettes fluviales : les Batcub (encore en rodage). Surtout le réseau de bus a été revu de fonds en comble, en développant notamment des lignes structurantes, en étendant de nuit les horaires des bus et en lançant des lignes circulaires.

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Où en est-on aujourd’hui? La population de Bordeaux a beaucoup progressé, la ville étant très attractive et redevenue agréable à vivre, mais du coup le réseau est saturé, inégal pour les habitants utilisant le bus (1 à 2 passages par heure le soir). Des terminus partiels seront d’ici 2 ans en service pour augmenter les fréquences en centre-ville. Quel sera leur impact sur les fréquences? En centre-ville, la situation pourrait s’améliorer, mais il y a un souci de sécurité pour les piétons et voitures sur les axes très empruntés. En périphérie certaines zones vont voir leur desserte baisser.

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Une fois la phase 3 finie vers 2018, une phase suivante est évoquée avec des axes structurants. Le corridor sud de la ligne D vers Caudréan centre puis Saint Médard en Jalles, serait à priori desservi par un BHNS (bus en site propre), deux zones posent problème ici: le départ rue Judaïque et le passage des boulevards étroit pour un tram, mais avec certaines contraintes (propriétés impactées) cela reste possible. Par exemple en séparant les voies dans des rues étroites mais peu distantes comme ci-dessous. Par exemple en partant de la rue Bonnac, les rues Nauville et Sullivan (avec des placettes comme la place Tartas sur laquelle il est possible de créer des stations) pourraient régler le problème si le tram prend sur certaines portions courtes des voies uniques qui se rejoignent.

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Ci-dessous, rappel des études pour la ligne D, finalement la partie bleue correspond à la ligne D qui mixe plusieurs de ces trajets. En violet il s’agit de la ligne corridor sud que nous pouvons appeler ligne E, actuellement envisagée sous forme de BHNS.

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Une autre ligne fondamentale partirait de la Gare st Jean vers le campus, elle aurait du être faite dès le début. Ci-dessous les études pour une autre ligne envisagée est la circulaire rive droite pour relier le pont Chaban Delmas (ouvert en 2013) vers le futur pont Jean Jacques Bosc (et provisoirement vers le pont st Jean), et enfin la 4e ligne étudiée partirait depuis l’actuel tram-train du Médoc via Cracovie, rue Lucien Faure vers le pont Chaban Delmas.

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A priori ces lignes seront utiles et leur réalisation devrait se faire à l’horizon 2020. Mais restent certains secteurs oubliés, et notamment la liaison gare Aéroport par Pessac Alouette, l’extension de la ligne A du tram des 4 Chemins vers l’Aéroport, et la transformation de la voie ferrée de ceinture rive gauche en tram-train (reste ici à régler le gros problème du Fret empruntant cette ligne à reporter). D’autres propositions ont été faites: un tram sur pneus (Blue Tram) de Bolloré pour desservir l’aéroport par exemple, mais même si la technologie n’est pas exactement la même, le système de Calais n’a pas fonctionné. Un tracé proposé intéressant est de faire partir un tram de la Gare via les Cours de la Marne (place de Victoire), Cours Aristide Briand, de la République, vers le Palais de Justice pour se raccorder à la ligne A vers Pellegrin, sans contourner par Mériadeck, il faudrait par contre réaliser cette ligne à 2 voies pour éviter la saturation.

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Pour le futur du réseau, il y a plusieurs possibilités, certes le métro serait idéal pour certains secteurs denses et sans grandes percées Haussmanniennes dans le centre-ville. Mais dans une phase immédiate, nous proposerions quelques idées de base: créer quand cela est possible des lignes de BHNS dans un premier temps pour les axes encombrés en supprimant les points noirs (par exemple rue Lucien Faure, une petite partie de la rue à une voie créée bêtement des embouteillages avant le pont levant).

Il faut surtout prévoir une évolutivité de la circulation: par exemple ne pas saisir l’occasion de la réduction actuelle de l’Avenue de la Marne près de la place Mondésir pour créer des couloirs de bus, (cela génère des embouteillages).

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Nous pouvons aussi regretter l’abandon (temporaire?) du débouché direct tram et voitures (2×2 voies) quai de Brazza pour créer un détour alors que le secteur est vide car une fois peuplé il sera difficile de convaincre les riverains. Pour le tram, une option serait de revoir certains tracés de lignes existants, sur la ligne A vers l’Aéroport en scindant celle-ci en 2 branches, l’une vers Pellegrin via Mériadeck et l’autre l’aéroport en direct depuis la gare. Ci-dessous une étude prospective de l’AREP lors du 40e anniversaire du parc des expositions en 2009 avait proposé un plan certes dense mais en partie réalisable, les Batcub s’étant peut-être inspirés des amphi-bus. Et nous voyons ici aussi une ligne E correspondant au tracé de la liane 1 vers l’aéroport!

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Enfin certaines places de Bordeaux ont été défigurées par les bus, Gambetta en étant la plus emblématique. Or pour quelques arrêts de plus dans une zone piétonne, pourquoi ne pas renforcer les radiales (cours et boulevards) en rabattant les lignes de périphérie vers des lignes mieux cadencées comme à Berlin? Le square des Commandos de France et la rue du Château d’Eau (en supprimant le tunnel) permettraient de créer une station de correspondances sans encombrer Gambetta tout en étant à peine à 200 mètres. A  Nice et à l’étranger il existe aussi le « pré-métro » avec de petites parties de lignes enterrées, pourquoi ne pas le proposer (sous Gambetta par exemple, en raison du relief)?

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