La rue Bordelaise, une nouvelle vision de l’Urbanisme sur Bordeaux.

Bonjour.

Après Agora 2017 abordée lors de notre dernier article, l’EPA Bordeaux-Euratlantique a dévoilé un incroyable projet: « La Rue Bordelaise », totalement inattendu, lors du MAPIC 2017 en novembre. Ce projet donc le design architectural a été confié à l’architecte Edouard François, appuyé par le promoteur spécialisé en centres commerciaux Apsys et Vinci via sa filiale ADIM également.

Il s’agit dune immense rue de 300m de long pour 20 de large, sur le modèle de la rue Sainte Catherine. Cet axe bordé de commerces et de bureaux de taille moyenne (l’offre est actuellement insuffisante pour les PME) et de 250 logements en accession notamment) va radicalement transformer la sortie nord de la gare entre les rues Domercq et de Saget. Partant de la gare, il va « perforer » le tissu de hangars décatis et remplacer les parkings (dont celui du Carrefour Market, lui-même relocalisé sur site).

 

La façade quai de Paludate serait également ouverte près du Chateau Descas pour déboucher aux pieds du pont Saint Jean. Il facilitera la continuité des quais vers le quai de Paludate (les aménagements des quais sont actuellement finalisés uniquement jusqu’au quartier Sainte Croix). Ce projet rappelle l’esprit de la Grande Voie(photo de gauche) envisagée au début du XXe siècle de la gare st Jean vers le Grand Théâtre (abandonnée après son embryon qui est la rue de Tauzia actuelle). Il est assez intéressant et étonnant en effet de voir un tel projet notamment une « percée » des quais vers le fleuve. Mais cela est faisable ici, Paludate est en bout de façade des quais, classés, les immeubles en question seraient en partie démontés et leurs façades repositionnées dans l’axe de la rue nouvelle. L’emprise n’était pas démesurée en largeur. Surtout l’architecture des chais bien qu’intéressante est loin de la beauté du reste des quais plus vers l’aval du fleuve.

 

Cela montre une ambition nouvelle à l’opération Euratlantique, et surtout une très bonne nouvelle quant à son potentiel d’attraction et de croissance, en effet 450 millions d’euros sont prévus pour ce projet ce qui est énorme. La façon de faire la ville aussi a évolué: qualité architecturale plus stricte, constructions en pierre bordelaise (ou imitation de qualité), réemploi des hangars préservés ou de leurs matériaux.Surtout ce projet rappelle la Promenade Sainte Catherine, moderne qui réinterprète les codes de l’ancien Bordeaux, mais qui soigne son insertion. L’ilot TriBeQua quartier Armagnac en est un bon exemple.

Cela est encourageant, au regard de la charte architecturale de l’OIN Eurtlantique. Cette charte sera appliquée aussi rive droite. Hélas certains coups partis secteur Armagnac et Quai de Paludate resteront dans le style années 2000/2010 déjà daté avec les façades en clad métallique, de petites ouvertures et une qualité médiocre de finitions. Sur le reste du Quai de Paludate, de beaux immeubles anciens ont été rasés au lieu de garder le RDC et les premiers niveaux avec un immeuble moderne en arrière plan, seul le projet Millésima (et la maison de l’architecte François Guibert associés) a conservé l’ancienne façade dans son programme. mais à terme le périmètre Euratlantique devrait être assez réussi car la charte a été lancée assez en amont de la construction du quartier.

Cela questionne comme nous l’avons vu dans notre dernier mot sur Agora sur la façon de reconstruire la ville sur elle-même. Sur la rive Droite (la Bastide au sens large (Cœur de Bastide, Niel et Brazza). Ce secteur est au centre-ville géographique de Bordeaux. Cœur de Bastide qui est terminé utilise des avenues larges et monumentales, de grands volumes mais des tons assez fidèles à la pierre et la mise en scène en cohérence avec la ville existante (Allées de Serr notamment qui a réutilisé certains immeubles anciens).

Il est regrettable de voir que Bastide Niel a choisi un projet iconoclaste et en rupture totale. L’idée de Winy Maas (MVRDV) de créer une ville centrale, compacte et intime est certes très bonne. Mais la confrontation des grands immeubles en angles biseautés, la rupture des début de perspectives crées avec Cœur de Bastide, sa pire erreur étant de ne pas prolonger au même dimensionnement les allées de Serr ou de crée de grand passage transversal qui manque tant au secteur). Les volumes biseautés, très colorés et la non continuité des rues historiques risquent de créer une rupture brutale notamment rue Abadie, ceci malgré une atténuation obtenue par la mairie qui tardivement a demandé à Bruno Fortier de créer une cohérence entre les projets rive droite. Son modèle est nord-européen, dans des pays de culture collective et respectueuse des espaces partagés, mais en France, les recoins et le manque d’entretien courant peuvent générer de futurs problèmes.

De plus la caserne Niel a de beaux bâtiments restaurés ou a fort potentiel (État major et sa place d’armes notamment), qui hélas vont être dénaturés. Darwin et le projet des Magasins Généreux eux-mêmes vont créer une barre insipide face aux quais (à droite) au lieu du projet initial de maison à 3 pans très réussie de type Indonésien (à gauche). Pourquoi avoir demandé ce changement pour un projet plus laid et moins intégré que l’initial (comme cela s’est fait entre le rendu prometteur et la réalité bâclée de la Cité Municipale)? Enfin cela entraine du rejet des habitants des quartiers existants, le projet étant imposé depuis le haut et se présentant en rupture avec l’existant (la même erreur a été faite avec Mériadeck dont la partie logements a été un échec).

Brazza un peu plus loin aura plus de dégagements, mais idem, son architecture austère et industrielle est décevante, loin de l’ambition du projet de la rue Bordelaise. La mairie ici délègue à des promoteurs l’aménagement d’un secteur à la base peu attractif (inondable et pollué aux industries lourdes) pour ne pas dépenser. Cela est le cas pour le secteur de la Rue Bordelaise aussi, mais au vu de l’attractivité de Bordeaux qui se vend d’elle-même pourquoi ne pas être plus regardant sur l’image que reverra ce quartier, tant qu’il n’est pas construit? Espérons que Bruno Fortier se montre exigeant quant à la qualité des façades et à l’intégration des immeubles dans la ville ancienne. Certains projets ont déjà été modifiés en ce sens, au niveau des tons des façades notamment.

Aux Bassins à Flots, la perspective mise en scène Rue Lucien Faure est réussie, malgré les matériaux de façades décevants des premiers programmes, des ouvertures réduites et surtout une surdensité des logements. Plus récemment, certains promoteurs ont avec détermination réussi à imposer des façades plus claires et qualitatives, et les derniers programmes du quartier dont la prometteuse plaque portuaire vont permettre une réussite partielle du projet. Ici il y a eu une programmation poussée des espaces partagés (sentes et grands axes) qui est pertinente. L’essor spectaculaire (incontrôlable?) du marché immobilier bordelais a formidablement accéléré le projet mais parfois, mieux vaut prendre du temps pour que la qualité soit au rendez-vous.

 

Hors du centre-ville c’est plus anarchique hélas, et le développement de certaines villes est hors de tout contrôle architectural, nombre de belles demeures en pierre avec de grands jardins disparaissent de plus en plus au profit d’immeubles insipides. Autant forcer la construction neuve sur des hangars de supermarchés désaffectés (ou à reconstruire sur site en pied d’un immeuble de logements) semblerait intéressante, autant faudrait-il réguler la construction (la ville de Tours pratique par exemple une charte architecturale). Ci-dessous par exemple face à un chalet assez emblématique, un programme tristement banal va défigurer les lieux, ou plus bas des mélanges improbables de formes et de couleurs. 

Sur Bordeaux donc ce dernier projet de rue Bordelaise semble concilier intelligemment les impératifs économiques et financiers, tout en respectant l’insertion urbaine du projet. Espérons quelques ajustements, comme la suppression des passerelles et des écrans lumineux (sur le rendu à gauche), peu respectueux de l’identité de la ville, surtout que ce projet sera un centre commercial. Mais le réalisme économique permet ici de financer une restructuration majeure d’un site central, inexploité avec un projet de qualité tout en améliorant la liaison d’Euratlantique avec la ville historique (jusque là le projet se concentrait de l’autre côté des voies TGV). Sur l’autre rendu, nous voyons l’application de la charte architecturale: conservation des façades remarquables, formes et couleurs bordelaises (pierre blonde).

 

Au débouché du projet, un immeuble très travaillé servira de cité du sport et du bien être, accompagné de discothèques. Cela va permettre de déplacer le trafic de cet échangeur au gabarit autoroutier (déporté sous le pont du TGV). Le projet pour conclure est astucieux, le tram C le dessert, le quartier est central, près de la gare des quais et du pont Saint Jean. Les travaux sont prévus pour se terminer vers 2023/2024, espérons qu’il se fasse rapidement.

 

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