Bordeaux la fin de l’âge d’or ou une pause nécessaire?

Bonjour,

Cette année 2020 restera décidément hors normes à tous les points de vue, qui aurait imaginé que toute l’économie soit bloquée pendant plusieurs mois de confinement, que l’historique opposant Pierre Hurmic allait être élu maire de Bordeaux fin juin avec à 46,48% contre Nicolas Florian 44,12% le maire sortant successeur d’Alain Juppé. A y regarder de plus près, le nouveau maire été élu avec 17,51% des inscrits aux municipales 2020. L’abstention a été trop importante: 61,67% des électeurs n’ont pas voté. Nous n’allons pas revenir sur les explications de mars dernier sur le déclage trop long entre les 2 tours, ou les électeurs n’ayant pu voter, le résultat est là et il existe d’autres causes multiples, notamment un dernier mandat décevant de la précédente majorité alors qu’elle avait toutes les cartes en main (ville et métropole).

Le changement majeur est surtout au niveau de Bordeaux Métropole présidée par Alain Anziani (maire PS de Mérignac réélu) qui sous la pression du nouveau maire de Bordeaux malgré ses discours contradictoires a supprimé brutalement  le consensus de la cogestion qui prévalait depuis plus de 50 ans. Avec recul notre post de mars 2019 sur la fin de l’ère Juppé des grands projets urbains était prémonitoire mais nous n’imaginions pas un tel coup d’arrêt en partie à cause d’une pandémie.

Surtout étant passionnés d’architecture, d’urbanisme et de grands porjets urbains, la rentrée est bien morne si l’on se remémore par exemple en 2017 la dernière exposition Agora sur l’architecture. Heureusement la majorité des grands (et petits) projets immobiliers et architecturaux présentés ont été réalisés ou lancés avant cette rupture brutale, comme Bordeaux-Belvédère ci-dessous.

Que penser de l’avenir de la ville et de sa métropole? Voyons cela dans la mesure du possible sous le prisme de l’urbanisme, voire du paysagisme qui va prendre une place importante nous l’espérons dans les aménagements. Pour le moment, lors du confinement les Coronapistes cyclables ont considérablement accéléré le développement du vélo en ville. Ce qui va permettre d’accélérer la sécurisation des itinéraires cyclables discontinus, avec un déploiement rapide de marquages au sol pour tester avant des investissements plus lourds, sur les boulevards notamment.

Côté mobilité, les 4 lignes de tram ont vu leur fréquence renforcée, les bus aussi et ils sont plus souvent nettoyés pour protéger les passagers du Covid-19, ce qui génère des surcoûts importants mais cela semble fonctionner plus ou moins bien. Le service d’autopartage Bluecub a été un échec commercial, des places seront redistribuées au concurrent de l’autopartage Citiz, réduisant ainsi l’offre de mobilité alternative. La métropole joue son va tout sur le RER métropolitain déployé d’ici fin 2020 sur la ligne Libourne-Campus. Mais est-ce le meilleur calcul d’attirer de l’extérieur avant de traiter en priorité la ligne de ceinture (à boucler en rive droite), ligne de pont à pont qui aiderait beaucoup à éviter le centre pour traverser la ville?

L’autre grand volet qui va changer est l’urbanisme, par chance nombre de projets sont quasiment finis, le Quai des Caps aux Bassins à Flots et l’ilot Lesieur bouclent 10 ans de chantier, il aurait été souhaitable pour le coup que les espaces publics soient plus larges, verts et mieux travaillés. C’est déjà le cas sur la plaque portuaire, où juste derrière le nouveau Hangar G1 se trouvent des Jardins agréables, les quais aussi sont en réaménagement piéton et cela est assez réussi. Mais rue de Gironde, de New York et des Etrangers, certains ilots sont trop denses, à tel point que la lumière du jour peine à y entrer. Côté rue Lucien Faure, hormis les matériaux et quelques finitions discutables, l’effet de skyline a été réussi.

Plus loin le programme Coeur Ginko est quasiment livré, offrant ainsi de nouveaux commerces et logements bouclant donc cet écoquartier. Plus loin l’ancien site IBM rasé va devenir un programme de logements lui aussi. Le projet de la Jallère déjà mal engagé a été abandonné, bien qu’une recyclerie aurait pu s’y installer, ceci dit, étant fort ex-centré, ce n’était pas le plus urgent.

L’Hyper centre ville intra cours a été presque totalement revu, bien que des ilots peuvent parfois se libérer et se rénover (comme la Promenade Sainte Catherine en son temps). Il y a bien sur parfois trop de minéralité, ce que le nouveau maire veut corriger, mais n’oublions pas que souvent nous partions de zones en asphalte et de parkings devenus des places animées (Fernand Laffargue, place du Palais, Cours du Chapeau Rouge, et bientôt place Gambetta).

Notre grande inquiétude concerne la Rue Bordelaise, symbole de beau projet ambitieux que le nouveau maire veut freiner. Certes le volet commercial très important peut être revu, d’ailleurs le promoteur a déjà modifié les plans avec plus de verdure et moins de surface artificalisée. Mais espérons que l’un des projets les plus beaux et ambitieux ne soit pas sacrifié sur un autel idéologique et une vision de la ville repliée sur elle-même. En effet, ce programme s’inscrit sur un ancien parking et une supérette sur la majorité du terrain, ainsi que des sur le terrain de vieux hangars qui ont brûlé et étaient squattés. Or étant dans une zone en deshérance (avec de gros soucis d’insécurité s’aggravant), il y a ici une opportunité de créer des logements, bureaux et commerces en centre ville, devant le tram C et la gare. Cela permettrait aussi de relier les quais au quartier. Nous parlons ici surtout de la forme urbaine, du nouvel axe piéton et de l’aménagement paysager des quais, quitte à réduire la voilure commerciale ensuite.

Ce qui peut rassurer est que l’OIN de l’EPA Bordeaux Euratlantique qui fête ses 10 ans est gérée par l’état, a une certaine indépendance qui ne devrait pas pénaliser ses projets. Surtout qu’une charte de la construction durable, basée sur la qualité du bâti, la taille des logements et la présence d’espaces verts est un modèle de développement durable, ils serait paradoxal (purement idéologique aussi) de lui couper les ailes. Ceci dit dans le discours de rentrée du nouveau maire cela ne semble pas dans ses projets, mais clairement ses premiers mots pour Euratlantique sont très inquiétants. Pourtant  nous notons certains signes rassurants et une inflexion: de moratoire sur les projets immobiliers et ZAC, il est passé à une réécriture plus adaptée à l’environnement, nous disons pourquoi pas? Nous reviendrons plus tard sur l’avancée lente de certains chantiers, mais ce sont de très gros projets, ce qui explique aussi les délais (et le confinement a posé beaucoup de soucis logistiques et de défaillances d’entreprises de la construction).

Nombre de projets sont bien avancés comme Bastide Niel par exemple qui est un coup parti, une partie des chantiers a été réalisée, près du Quai des Queyries (ilot Queries, l’Annexe, Green Valley en cours, ou des allées Serr comme l’Eklo Hotel. Cependant certains secteurs non finalisés projettaient d’immenses immeubles tels des remparts, or la nouvelle majorité avec l’appui de Bernard-Louis Blanc ancien PDG d’Aquitanis (l’un des bailleurs sociaux majeurs de la ville qui est un expert du sujet) ont retravaillé le plan guide avec les promoteurs et l’architecte en chef de la ZAC Winy Maas (MVRDV). D’ici octobre ils espèrent proposer un plan plus adapté et actualisé. L’idée de placettes était bonne, mais il faudrait plus d’espaces verts de grande taille ainsi que des rues traversantes pour améliorer les transports. Attendons de voir, mais si cela évite les ruelles étroites et sombres comme à l’arrière des Bassins à Flot, pourquoi pas.

Coté quai de Brazza, juste à côté,  certains programmes face aux fleuve sont en finition, hélas pas exceptionnels en design architectural et en ambition, mais un front bâti reste mieux que des friches polluées, là encore une partie de la ZAC va évoluer, avec plus de parcs potentiellement, bien qu’une partie des lots sont déjà lancés. L’intégration d’un grand parc pourrait être envisagée selon les possibilités foncières et juridiques, car en pratique la marge de manoeuvre est limitée. Il y a si cela tient toujours un projet de centre multi-sports intéressant porté par l’UCPA qui devrait voir le jour d’ici 2 ans.

A la Cité de la Benauge il y a un gros projet d’ANRU en cours, la barre D de la cité de la Benauge (vue de la webcam) l’une des cités difficiles est en cours de désamiantage, la démolition devant se faire d’ici 2021, un retard du à l’arrêt des chantiers en mars dernier. A terme un transport longera son emprise pour rejoindre le Boulevard Joliot Curie remanié.

Pas loin la future place du Belvédère bat son plein fort heureusement, ce chantier déjà en phase de gros oeuvre permettra de créer une place animée en tête de pont Saint Jean, tandis que le parc Eiffel sera réalisé de l’autre côté des voies TGV. Ce parc devrait se faire sans encombres, permettant de gérer les potentielles inondations. Cette vision ambitieuse et digne des intendants est l’une des grandes réussites des 30 dernières années.

Concernant le pont Simone Veil, le chantier semble avoir officiellement repris, mais en y regardant de plus près, la métropole ne parle que des travaux des accès sur les berges en rive gauche et rive droite, ce qui est un début, mais rien ne garantit pas de retard supplémentaire sur la partie fluviale du chantier. En effet, les marchés sont-ils passés? Difficile de trouver une réponse claire dans la conférence de presse de rentrée du nouveau président de la métropole, 2024 semble être l’horizon de fin des travaux. Dur aussi de croire qu’ils évoquent un autre pont urbain (ou tunnel?) plus au nord entre Bassens et Blanquefort, alors qu’entre les défenseurs de l’environnement s’opposent de plus en plus radicalement au moindre projet/chantier (cf. le Contournement du Taillan Médoc toujours pas livré). Sans parler des contraintes techniques, fleuve large (proximité des courants de l’embouchure avec la Dordogne voisine) , des sites Seveso multiples du port industriel de Bassens… Nous n’y croyons pas trop.

Une bonne nouvelle reste la rocade de Bordeaux, même si son chantier est interminable (car mené par l’Etat et non la métropole), la section intérieure des sorties 4 vers 5 est entièrement en service à 2×3 voies, l’extérieur sera inauguré fin octobre. Il faut dire que le pont franchissant la rocade a été renforcé, une passerelle cycliste a été construite pour faire le tour du lac en vélo aussi. Les travaux sont déjà en place entre les sorties 9 et 7). Puis d’ici 2022 si le calendrier est tenu ce sera fini pour les sorties 5 à 7. Il faudra dans tous les cas revoir certains échangeurs en rive droite entre l’A10 vers Paris et la rocade est, la sortie 26 vers la RN89 et Libourne aussi ou encore la sortie 18 vers l’62 sous-dimensionnés, mais cela interviendra plus tard. Par ailleurs certains couloirs de BAU (bande d’arrêt d’urgence) sont désormais utilisables en couloirs de bus en site propre (cela se fait couramment par exemple sur la M50 rocade de Dublin en Irlande).

Côté métropole, la FAB (opération des 50000 logements) a évolué, une partie a été faite, d’autres abandonnées, mais les zones industrielles comme Mérignac Soleil (espérons plus tard la zone Latule/Auchan Lac) muteront, avec une désartificialisation des sols sur des terrains d’anciennes friches commerciales. C’est ce genre de projets que nous soutenons, au lieu d’étalement urbain, un remembrement des et une optimisation des parcelles a plus d’efficacité.

En ce sens nous allons voir les premiers pas de la nouvelle mairie et métropole, espérons que le dogmatisme environnemental ne tue pas les projets nécessaires pour loger les habitants (la population de Gironde continue de croître). Fermer les vannes de la construction, bloquer les tours et les permis de construire (dans leur discours, le mot « moratoire » a été remplacé par réexamen, ce qui est déjà un premier progrès), empirerait au contraire l’étalement urbain en proche et lointaine banlieue.

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