Bordeaux la fin de l’ère Juppé, début d’un nouveau cycle?

Bonjour.

Bonne année 2019 (très en retard)!  Lors d’une visite hivernale en février, nous avons eu enfin le temps de visiter nombre de quartiers et de prendre des photos actualisées. Durant ce séjour, surtout un immense coup de tonnerre inattendu a eu lieu le 14 Février: Alain Juppé maire de Bordeaux pendant près de 25 ans qui a métamorphosé la ville tire sa révérence pour le conseil constitutionnel (remplacé par Nicolas Florian son adjoint aux finances et Patrick Bobet maire du Bouscat à la Métropole). Sans parler de politique, le sujet de ce blog étant l’urbanisme et l’architecture, la ville aura totalement changé de visage en 25 ans, après l’ère Chaban qui avait déjà propulsé la ville provinciale au range de métropole d’équilibre avec la rocade, Mériadeck, le quartier du Lac ou encore le Grand Parc,…

Pour le bilan urbain d’Alain Juppé, le résumé détaillé des projets et ses réussites, l’article du site BordeauxImmo9 dresse un panorama assez complet de ses projets et réalisations. La Tribune Bordeaux dresse aussi un contre-point plus critique, qui montre avec la violence de la crise des gilets jaune sur Bordeaux qu’il reste du travail, surtout que le souci des transports insuffisants et de l’immobilier hors de prix commence à poser ses limites. De l’autre coté Bordeaux a enfin sont Grand Stade, sa salle de concerts et nombre d’équipements culturels livrés ou en passe de l’être. Enfin ce diaporama de SudOuest  montre le chemin parcouru sur les quais et les friches industrielles transformées en véritables lieux de vie.

Où en est-on exactement en termes de chantiers et projets urbains? Tout d’abord la période 2019/2020 sera une phase d’attentisme et de transition en vue des élections municipales de 2020, à très fort enjeu cette fois. Il n’y a pas de vraie opposition crédible à se jour et une majorité qui s’est reposée sur le poids de son ancien maire. Surtout nous entrons dans une période de disette budgétaire et de crise sociale majeure (souvent violente), ce qui va rendre la réalisation des grands projets ambitieux plus compliqués. Le côté positif sera un retour des équipements de proximité négligés parfois, et vu que la majorité des projets prévus par Alain Juppé ont été réalisés ou sont lancés, ce changement de maire est moins catastrophique. L’ex-maire craignait le mandat de trop, peut-être à juste titre? Mais il avait aussi une vision stratégique de long terme et globale du territoire concertée avec les autres élus de la métropole, la fameuse cogestion qui a permis aux projets de ne pas être bloqués malgré les alternances politiques, espérons qu’elle perdure, certains élus y étant opposés pour les querelles de clochers…

La plus grande réussite de ses mandats a été les quais, d’abords rive gauche avec leur emblématique miroir d’eau Place de la Bourse, puis rive droite (les dernières finitions sont en cours au parc aux Angéliques dans le secteur Bastide Niel/Brazza), puis la parc va continuer Quai Deschamps vers le pont Veil ensuite quai de la Souys. En rive gauche les quais vont se prolonger après le parc Saint Michel vers le pont Saint Jean puis le pont Simone Veil et au-delà d’ici une dizaine d’années.

Plus loin Rive Gauche, le quai de Paludate sera prochainement rénové (cela a démarré) et à priori malgré le retard dramatique du pont Simone Veil (prévu en 2023), ses abords seront finalisés avant le pont lui-même (les trémies sont en chantier). La continuité du pont Saint Jean (aux échangeurs supprimés et transfigurés, vers le pont Simone Veil ci-dessous sera une nouvelle promenade emblématique de la ville d’ici moins de 10 ans. Ci-dessous la rue Bordelaise qui assurera la connexion de la gare et du fleuve, tandis que les berges seront transformées en parc.

 

Rendons surtout au regretté Michel Corajoud et à Michel Desvignes qui ont révolutionné la vision initiale (Chaban pensait à un front bâti en rive droite), car Bordeaux a un immense parc en accès libre très apprécié, tandis que d’autres parcs (Jardin de l’Ars ou Parc Eiffel) à venir seront créés dans une ville qui en manquait cruellement. Ci-dessous les friches rive droite sont devenues une foret en bord de fleuve.

 

Le centre-ville aussi a été presque entièrement restauré et rendu aux piétons, la tâche est immense, certaines places sont parfois minérales (place Pey Berland, et de la Victoire dont on voit la Porte d’Aquitaine ci-dessous), hormis quelques franges en déliquescence  (Cours de la Marne et Aristide Briand notamment), la majorité des grands axes sur les Cours (ancienne enceinte médiévale) a été rénové.

Ci-dessous la Cathédrale elle-même noircie par des années de pollution retrouve enfin son éclat initial. Même si la place qui l’entoure est aride, son aménagement met en valeur le patrimoine et cet ancien rond-point est un carrefour central au croisement des trams A et B en plein cœur de ville.

Deux grandes places ou ont connu un lancement trop Tardif (places Tourny et Gambetta), mais le résultat devrait rendre leur centralité à ces 2 carrefours stratégiques de la ville, délaissés à la circulation routière et en déclin pendant plusieurs années, au profit de la Place de la Comédie et des rues piétonnes du centre-ville. La place Gambetta a perdu une partie de ses marronniers mais elle va avoir un parc agrandi, les façades mises en valeur et la circulation réduite.

Enfin, le chantier du tram  (dont la ligne D sur les photos suivantes ouvrira en 2019 et la ligne C a été totalement mis en service vers le sud) a permis de requalifier presque tout le centre-ville, à tel point que la ville a gagné le label UNESCO en 2007.

  

Cette rénovation a même étendu le centre-ville à certains quartiers peu attirants comme Mériadeck qui sont désormais intégrés parcours du centre-ville, qui ne cesse de s’étendre et de se rénover sur lui-même: par exemple la Promenade Sainte Catherine s’est faite sur les anciennes imprimeries du journal SudOuest.

Les franchissements sont l’autre gros handicap de Bordeaux, le pont Chaban Delmas (et plus discrètement le pont Garonne TGV) ont amélioré la situation pour traverser le fleuve, car malgré la fermeture du Pont de Pierre (usé et fragilisé) la boucle pont levant, pont Saint Jean fonctionne bien, en attendant le retardé pont Simone Veil. Ce dernier projet est indispensable, l’Arena et la clinique du Bordeaux Tondu sur la ZAC des Rives de Floirac paient le retard de ce chantier, heureusement la zone n’étant pas trop dense, cela est jouable à court terme. Seule l’estacade provisoire et les accès sont en travaux à ce jour pour le nouveau pont.

Il faudrait réfléchir aussi à un tunnel (métro) central à hauteur des Quinconces évoqué par Mickaël Beaubonne un doctorant qui a réalisé une étude complète sur le sujet. N’oublions pas aussi le contournement de Bordeaux qui ne pourra rester tabou, pourquoi pas un autre pont plus au sud qu’au nord au final pour améliorer au moins la desserte locale et de transit? Les lignes vers Blaye et le Médoc sont dans un état catastrophique et un RER métropolitain est évoqué, mais est-il faisable et sous quelles conditions? La ligne de tram train vers Blanquefort a connu nombre de surcouts et soucis, il aurait été plus judicieux de doubler la voie en ferré et de créer des cadences plus élevées… La carte ci-dessous pourrait devenir effective d’ici une dizaine d’années.

La LGV Paris Bordeaux en 2h est en service et malgré le dramatique retard des lignes vers Toulouse et l’Espagne qui ne sont même pas certaines de se faire alors que les chiffres exceptionnels du Tours Bordeaux sont la preuve que la demande est forte, tandis que les lignes classiques (vétustes) desserviraient le transport local (TER). La LGV a cependant révolutionné la gare saint Jean avec son hall 3 très réussi (son parking en surplomb l’est moins).

 

Grace à la LGV, le quartier Euratlantique est depuis en plein boom. Là aussi, les équipes initiales ont eu le mérite de lancer le projet vers 2009 en pleine crise économique ce qui a ralenti le projet et laisser faire certaines réalisations mal intégrées. Mais heureusement la nouvelle équipe et le boom lié à la LGV ont relancé et fortement accéléré les choses, les projets architecturaux sont de bien meilleure qualité grâce à une charte qui les rend plus proches des immeubles en pierre blonde de Bordeaux, tout en étant plus grands, ambitieux et plus hauts, enfin comme sur le rendu à droite!

 

L’aménagement des Bassins à flots sont presque finis, peut-être certains secteurs seront ratés comme la rue des étrangers et l’arrière de la Base sous Marine, trop denses, disparates et manquant surtout de places publiques et d’aération.

Mais l’aménagement des sentes, des hangars sur les quais et de la plaque portuaire, tandis que les réalisations montent là elle aussi en gamme, depuis l’ouverture de la Cité du Vin surtout, fera finalement de ce quartier une réussite. Par ailleurs, les projets privés comme le Musée Mer Marine donneront encore plus d’attractivité touristique aux Bassins à Flot.

De belles perspectives d’ensemble ont été créées, le long des quais avec es nouveaux hangars ouverts sur les Bassins  et sur la rue Lucien Faure avec un alignement monumental des façades sur diverses hauteurs à intervalles réguliers.

  

L’éco-quartier Ginko sur Bordeaux Lac a mis du temps à démarrer, là aussi avec son lot de soucis et malfaçons, l’erreur  été de surdensifier les phases 2 et 3, mais à terme finalisé, et la place de Latule qui espérons le sera refaite, la connexion avec la ville sera mieux faite. Par ailleurs l’aménagement autour du Lac de Bordeaux continuera, le Palais des congrès et expositions a été rénové et un hall reconstruit.

Bastide 1 sur la rive droite est finalisé, il reste l’ilot D3 qui va faire le raccord avec Bastide Niel, ici le quartier  a repris vie, et le front de Garonne apprécié, restent la naissance douloureuse de Bastide Niel et la guerre avec le projet Darwin qui aurait pu être évitée avec une meilleure coordination et la gestion plus ferme de l’urbanisme de transition, ici aussi un retard important est imputable à la cession des friches ferroviaires qui a trainé. Dommage car ce secteur central géographiquement est pénalisé. Ci-dessous l’ex Gare d’Orléans devenue le Mégarama, elle a échappé de peu à la démolition, mais sa façade a été assez altérée.

Plus bas, Darwin face à Bastide Niel, entre la rénovation de l’ancienne caserne militaire et l’architecture avant-gardiste, le choc est assez brutal.

 

Le contraste avant-après rénovation des magasins Généraux Nord face aux Sud qui attendent le démarrage des travaux, plusieurs fois retardé. Espérons que cela avance, hélas les contraintes de PLU (plan d’urbanisme) et de budget ont réduit l’ambition du projet initial, surtout aucun des projets ne respecte le bâti jumeau des magasins nord en face.

 

Plus loin le quartier Brazza sort enfin de terre lui-aussi, même si le projet ambitieux de KCAP initial a été remisé aux oubliettes au profit d’un projet néo-industriel de oussef Tohmé. Heureusement une harmonisation et un adoucissement des formes industrielles et des façades va atténuer le choc visuel initial, car l’idée des gestes architecturaux ou chaque coordinateur donne sa touche personnelle au quartier aménagé sans prendre en compte ses voisins peut choquer et créer des ilots mal intégrés comme Mériadeck l’était en son temps.

En Métropole, la rive droite a vu ses quartiers en ZUP s’améliorer, nombre de tours et barres remplacés par des maisons et logements de qualité, le tram A irrigue aussi nombre d’habitants. L’ouest et le sud se développent également, surtout la zone aéroportuaire en plein boom, mais gravement pénalisée par l’étalement urbain, des routes et transports quasi inexistants. Il y aura urgence à revoir ce secteur, sans parler de la rocade. sa mise en 3 voies a rattrapé la sortie 9. Elle est en cours sorties 4 à 5, il manquera un bout de rocade et aussi la nécessité de revoir les sorties critiques de la rive droite (jonction A10, rocade rive droite) et sortie 26 vers Libourne et l’A89. Ci-dessous le pont piétons-vélos qui longera la partie élargie des sorties 4 à 5 sur le lac de Bordeaux.

Pour conclure ce tour de ville, disons que Bordeaux a retrouvé sa splendeur, atteint une taille critique, mais paie aussi la contrepartie, les soucis sont ceux des grandes villes prospères, ce qui dans un sens est une bonne nouvelle est qu’elle ait atteint ce niveau, mais désormais, les futurs maires devront réellement investir massivement dans les transports lourds (radiales, potentiel métro), et ne pas omettre le réseau de voirie car on ne pourra pas y échapper, autant anticiper de manière coordonnée ces projets pour éviter la paralysie de la ville.

L’autre défi majeur, c’est le logement, il en faut plus mais de qualité et grands à prix abordables (les réalisations investisseurs ne sont pas compatibles pour les demandes et le budget des familles), l’exemple d’Euratlantique serait une piste intéressante à appliquer ailleurs car ils imposent un prix plafond tout en exigeant une qualité architecturale (qui a été un désastre dans certaines villes de banlieue).

Souhaitons donc bon vent aux nouveaux élus pour qu’ils prennent les bonnes (et ambitieuses) décisions pour que Bordeaux reste dans la cour des grandes métropoles régionales voire européennes!

 

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