L’évolution de la place du piéton à Bordeaux

Bonjour,

Après un été animé de nombreux chantiers, notamment grâce à une météo clémente, nous allons revenir sur la « piétonnisation » progressive de Bordeaux.  Historiquement la ville était assez étroite et enserrée dans ses remparts, malgré des rues plus larges et rectilignes dans la période romaine antérieure.

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Au XVIIIe et XIXe siècles, les intendants ont rasé les fortifications ce qui a retourné la ville vers ses quais, à la fois immense port de commerce et lieu de promenade. Nombre d’églises et de monuments ont été dégagés des constructions les encombrant comme la Cathédrale Pey Berland, récemment la place est redevenue en partie piétonne.

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En parallèle, nombre de grandes artères (les Cours, puis les Boulevards), ont été aménagés, souvent en voies larges et plantées, certaines moins larges que prévu en raison de coûts d’expropriation élevés. Par exemple le Cours Alsace-Lorraine devait avoir 4 voies. Nombre de places et parcs publics ont été prévus, mais pas tous achevés en raison de difficultés de vendre les lotissements (la place Rodesse par exemple ou certaines portes prévues près du Cours Aritide Briand sont restées sur le papier). Ceux réalisés sont pour la plupart les places que nous connaissons aujourd’hui, excepté la disparue place Mériadeck lors de la destruction du quartier sous les années Chaban de 1950 à 1980 (elle se situait vers l’actuelle Cité Municipale).

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Au XXe siècle, l’automobile a pris une importance phénoménale, dans les années 1950/60, le tram en wagonnets a été supprimé au profit des bus. Des voies pénétrantes ont été tracées (Cours du Maréchal Juin, Boulevard Joliot Curie,…), d’autres abandonnées au choc pétrolier. Ci-dessous la confrontation entre le vieux et le nouveau Mériadeck, dédié aux voitures et qui va devoir évoluer pour se redynamiser.

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Cette politique du tout voiture a eu pour conséquence l’engorgement rapide et invivable du centre-ville, le noircissement des façades de pierre, tandis que les quais du port abandonné se cachaient derrière des grilles, coupés par une autoroute à 6 voies. La première tentative de piétonnisation de Bordeaux concernera les rues Sainte Catherine puis de la Porte Dijeaux. Ce qui est amusant est qu’il s’agit presque du Cardo et du Décumanus, les 2 axes historiques et perpendiculaires hérités de la ville des romains! Ensuite parallèlement à la disparition de certains quartiers qui auraient pu garder en partie leurs espaces publics (le plus connu étant le vieux Mériadeck), les places des quartiers Saint Pierre et Saint Paul commencent à redevenir piétonnes ainsi que les rues Adjacentes. Cette transformation est en cours dans les quartiers Saint Michel et Sainte Croix.

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A partir de 1995, après des années de projet de métro, finalement abandonné car coûteux pour une desserte insuffisante en nombre d’habitants de la métropole, le tram version XXIe siècle bouleverse la donne. Dans le contexte de son lancement, Bordeaux décline et perd des habitants. Le chantier ambitieux des 3 lignes de même temps génère un immense bazar en centre-ville, voire sa paralysie. Surtout nombre d’axes sont soit remis à double sens (Cours Clémenceau), soit rendus entièrement piétons (Cours de l’Intendance). Cela pénalise forcément la facilité de transit mais entre temps, le pont Mitterrand ouvert en 1993 dévie la circulation internationale sur l’Est de Bordeaux, tandis que le pont Chaban Delmas ouvert en 2013 permet lui de contourner les quais par la rive droite (vers le pont Saint Jean et plus tard Jean Jacques Bosc prévu en 2019).

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Le projet des quais expliqué dans notre dernier article a été le plus grand succès des projets de piétonnisation de Bordeaux. Ils sont redevenus une promenade prisée. L’avantage est que leur largeur le permettait: le tram, les voitures, le stationnement et les pistes cyclables et la promenade piétonne y cohabitent. Notons juste la section des Hangars moins large mais qui ne bloque pas le trafic, et l’échangeur complexe Porte de Bourgogne mal agencé. Rive droite, la promenade avance aussi (le parc Deschamps ouvre en octobre entre les ponts de Pierre et Saint Jean). Il est possible de faire la boucle des quais. A terme cette promenade ira aussi vers le pont Jean Jacques Bosc. Ce futur pont est aménagé comme un immense espace piéton. En face, le dernier secteur non aménagé des Quais de Paludate et Wilson sera refait lui aussi. Enfin le quartier Belcier de Euratlantique est conçu autour d’une boucle piétonne avec piste cyclables (rendu de droite).

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En centre-ville, le constat a été le suivant: avec le tram et les bus électriques et surtout des rues larges et agréables, sans voitures, la marche des piétons s’est développée de manière exponentielle. Bordeaux a un avantage, son hyper-centre est petit et compact, donc il est possible de s’y déplacer facilement. Des anciennes ruelles peu accessibles et délaissés sont devenus les Places du Palais, la rue Saint James ou la place Sainte Colombe. Parfois il y a aussi des secteurs peu rassurants et éclairés qui mis en valeur peuvent attirer les touristes, comme cet exemple près de la place Saint Michel.

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Une idée astucieuse aussi, pour revitaliser le quartier Mériadeck (moderne) et mieux le connecter à la ville historique via la rue Bonnac et le long de la rue st Sernin. Il est intéressant de noter que des élargissement de certaines venelles étroites ont permis de redonner vie à des quartiers délaissés. Si les constructions sont parfois difficiles pour « réparer » les ruptures d’urbanisme des 30 glorieuses, certaines astuces marchent assez bien, par exemple les espaces piétons (qu’il serait souhaitable d’animer) et la végétation. Récemment l’ilot Bonnac remanié commence à créer du lien entre 2 entités de villes antagonistes (ville ancienne et quartier sur dalle). Espérons que la poursuite de ce projet (place Raynal et rue Bonnier), permettra d’améliorer l’intégration du quartier en ville.

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Pour le futur, les projets des quais qui seront donc prolongés en continuité. Notons des idées intéressantes et des usages imprévus, tel le Miroir d’eau élément décoratif devenu une pataugeoire en plein air, le parc St Michel devenu un Quai des Sports.

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Les Bassins à flots à l’abandon et la sinistre rue Lucien Faure commencent à prendre des couleurs avec des allées arborées (les sentes), des trottoirs piétons élargis et des pistes cyclables sécurisées. Chose étonnante, même en zone éloignée du centre-ville comme à Bordeaux Lac, les sentiers piétons se développent.

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A terme, la ceinture des Cours sera probablement entièrement piétonne. Le seul souci est le coût prohibitif des parkings souterrains et leur nombre insuffisant. Une erreur de certains élus est de créer en banlieue de grands parc relais souvent vides car trop éloignés du centre-ville (Mérignac 4 Chemins) et des parkings sous-dimensionnés près du centre (le parc Arlac). Il faudrait envisager sous certaines places ou futures immeubles des parkings souterrains (ou silos) à l’entrée de la zone piétonne ou accessibles en 5/10 minutes de tram maximum pour alléger la part de la voiture. Le pire est qu’à Bordeaux, notamment à mériadeck, ce n’est pas le nombre de places qu’il manque mais leur prix et le manque d’attractivité du secteur rebute les automobilistes.

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Quels secteurs vont évoluer prochainement? Tout d’abord l’esplande des Allées de Tourny, la place du même nom et le Cours Clémenceau en raison d’une heureuse nouvelle, la reprise des travaux du tram D (annulation des recours). Du coup  ce nœud de circulation mal agencé devrait devenir en partie piéton. Restera surtout  à requalifier la place Gambetta, c’est prévu en 2018, qui reste un casse-tête car comme la place de la Victoire, elle est un nœud routier essentiel du centre-ville.

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Jusqu’à quelle limite pourra-t-on rendre le centre de Bordeaux piéton (de nombreuses villes européennes ont copié cette idée au passage)? La ville parle de rendre le stationnement de surface payant jusqu’aux Boulevards, excluant de fait les ménages modestes et les visiteurs non résidents de Bordeaux, car le tissu urbain entre cours et Boulevards a été constitué sans plan d’ensemble, du coup il a y des rues peu larges et aucun parking souterrain ou en silo. Autant transformer les ruelles et placettes du centre en rues piétonnes a du sens, mais doit-on aller jusqu’aux boulevards? Cela doit être faisable si les trams et transports sont à la hauteur, mais le chemin à parcourir reste immense.

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